Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/139

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pour captiver de nobles intelligences, et pendant plusieurs années celle même d’Augustin ; pour séduire la foule et former dans Rome une secte puissante dont les orgies effrayèrent saint Léon le Grand. Ainsi quatre cents ans de prédication et de martyre menaçaient d’aboutir à la réhabilitation des fables païennes, et, Manès l’emportant, le christianisme n’était plus qu’une mythologie. D’un autre côté, les ariens, en niant la divinité du Christ, les pélagiens en supprimant la grâce, rompaient tous les liens mystérieux qui rattachent Dieu à l’homme et l’homme à Dieu. Le surnaturel disparaissait donc ; le démiurge des platoniciens remplaçait le Verbe consubstantiel, et le christianisme devenait une philosophie.

Saint Augustin ne le permit pas, et, comme la première partie de sa vie s’était consumée à se dégager des filets du manichéisme, il employa la seconde à combattre Arius et Pélage. Il combattit, ainsi que tous les grands serviteurs de la Providence, moins encore pour le temps présent que pour la postérité. Car le moment vient où nous verrons l’arianisme entrer en vainqueur et par toutes les brèches de l’empire avec les Goths, les Vandales, les Lombards. Et, dans ses jours de terreur, comment les évêques auraient-ils eu le loisir d’étudier, à la lueur des incendies, les questions débattues à Nicée, si Augustin n’avait pas veillé sur eux ? Ses quinze livres de la Trinité résumaient toutes les difficultés des sectaires, tous les arguments des orthodoxes, et c’était lui qui décidait la victoire dans ces conférences de