Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/142

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société plus douce que celle d’Auguste et aussi polie. Il faudrait voir jusqu’où l’Église poussait l’éducation des femmes dans ces belles lettres de saint Jérôme à d’illustres Romaines, aux héritières des Gracques et des Paul-Émile, qui apprennent l’hébreu, qui s’attachent à pénétrer les obscurités d’Isaïe, qui ne veulent rien ignorer des controverses théologiques de leur temps. Il était honorable d’avoir tout espéré d’un sexe que la sagesse ancienne condamnait à filer la laine dans une éternelle ignorance des choses divines et des affaires publiques. Mais jamais saint Jérôme ne me paraît plus grand qu’au moment où il se fait petit, pour ainsi dire, enseignant à Læta comment elle doit instruire sa jeune enfant, lui mettre sous les yeux des lettres de buis ou d’ivoire, récompenser d’un baiser ou d’une fleur ses premiers efforts. Un ancien avait dit : « Maxima debetur puero reverentia. » Le saint docteur va plus loin : il fait de la fille de Læta l’ange de la maison : c’est elle qui, tout enfant, commencera la conversion du vieil aïeul, du prêtre des faux dieux, et qui, assise sur ses genoux, lui chantera l’alleluia malgré lui. Ainsi le christianisme n’avait pas attendu les temps barbares pour se constituer, pour fonder, comme on le dit, à la faveur des ténèbres, la puissance de ses papes et de ses moines. Il avait posé les bases de toutes ses institutions au grand jour, sous l’œil jaloux des païens. Les invasions qui approchaient lui promettaient moins de secours que de danger. Le droit canonique, dont nous voyons déjà la naissance, allait trouver une résistance