Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/172

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précipita la décadence romaine, et qu’on ne pouvait plus rien attendre de grand d’un peuple qui passait ses jours suspendu à l’intérêt d’une course de chars. Qu’était-ce du théâtre, et quels yeux auraient impunément supporté les nudités, les attitudes, les scènes où les Romains trouvaient leur délassement ? Les prêtres chrétiens en savaient quelque chose, et l’un d’eux déclare qu’il pourrait montrer au doigt les hommes que ces spectacles avaient arrachés à la couche nuptiale pour les jeter dans les bras des prostituées. Cependant les pères de famille y conduisaient leurs femmes et leurs filles ; après tout, elles n’y apprenaient rien que leurs mères n’eussent vu dans les temples. Mais la plus grande école qu’on eût jamais ouverte pour démoraliser l’homme, c’était l’amphithéâtre. Rien ne résistait à l’attrait de ses combats. Alype, l’ami de saint Augustin, un lettré, un philosophe, et déjà presque un chrétien, se laisse entraîner un jour, par respect humain, à ces spectacles qu’il déteste. D’abord il se jure de n’en rien voir, et il ferme les yeux. Mais tout à coup, au cri d’un mourant, ses yeux s’ouvrent, ils se tournent vers l’arène, ils ne s’en détachent plus. « À peine a-t-il vu le sang, qu’il boit la cruauté ; il se désaltère à la a coupe des Furies, il s’enivre des parfums du carnage. Ce n’était plus ce même homme qui venait d’arriver, c’était un des habitués de cette foule barbare. Il vit, il s’écria, il s’enflamma ; il emporta de ces lieux la fureur d’y revenir, non plus avec ceux qui l’y avaient amené, mais avant eux, mais avec d’autres qu’il y