Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pendant, l’or de leurs trésors ne suffisant pas, il fallut en aller prendre dans les temples. On enleva les ornements de ces dieux pour lesquels on avait tant combattu, et comme le poids requis par le barbare ne s’y trouvait pas encore, on fondit plusieurs statues : de ce nombre était la statue de la valeur (Virtutis)[1].

Assurément il y a quelque chose de pathétique dans ce déclin d’une grande religion. Si l’on pouvait oublier tout ce qui se mêla d’erreur à ses enseignements, de crime à ses pratiques, on ne pourrait considérer sans émotion les croyants qui lui demeuraient fidèles, immobiles auprès des foyers de leurs dieux, et montrant ainsi quelque reste, sinon de l’énergie, au moins de l’opiniâtreté romaine. Sans justifier leur endurcissement, on doit tenir compte de l’inévitable perplexité des intelligences entre deux cultes ennemis, et se rappeler qu’alors plus que jamais la foi voulait un effort violent. Les Pères ne l’ignorèrent pas, et, songeant à ce travail douloureux par lequel les âmes devaient devenir chrétiennes, ils s’écriaient : « Non nascuntur, sed fiunt christiani. Les chrétiens ne naissent pas tout formés, il faut les faire. » Mais on ne doit point, par un injuste retour sur les temps modernes, comparer les ruines du cinquième siècle avec les nôtres, et la chute du paganisme avec ce qu’on appelle trop souvent le déclin de la civilisation chrétienne. L’histoire ne s’arrête point à l’apparente ressemblance des événe-

  1. Zosime, Hist., V, 38-41.