Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/240

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la seule question était de savoir si l’impératrice jouissait du même privilège, et on décida que oui, parce que le prince pouvait lui céder la moitié de ses droits. Si le prince est ainsi au-dessus des lois, qu’y a-t-il de surprenant à ce que sa volonté devienne loi impérieuse et irrésistible ? Comment les jurisconsultes n’en concluraient-ils pas que : quod principi placuit legis habet vigorem, utpote cam lege regia populus ei et in eum omne suum imperium et potestatem conferet[1], etc. ? De là cette formule, insultante pour l’humanité, par laquelle les princes ont si souvent, sans y songer, terminé leurs actes : Car tel est notre bon plaisir.

Ainsi le plaisir de l’empereur devint la loi du monde ; mais ce n’est pas tout : il n’a pas seulement le pontificat, le pouvoir absolu de faire les lois et de les défaire, il a encore la propriété universelle du territoire romain, à un petit nombre d’exceptions près. En effet, le sol des provinces se divisait en deux grandes parties. Il y avait les provinces tributaires ou de l’empereur, et les provinces stipendiaires ou du peuple romain. Vint un temps où l’empereur succéda au peuple romain, et dès lors la propriété de toutes les provinces lui fut dévolue. Cela est si vrai qu’aucun particulier n’était considéré comme véritablement propriétaire, mais seulement comme un usufruitier[2] auquel le prince voulait bien maintenir, garantir, jusqu’à nouvel ordre, la possession paisible de cet usufruit. De là vint qu’aucun sujet, lorsque le trésor

  1. Dig., de Constitut., l, I, tit. IV.
  2. Gaïus, — Comm. II, § 7.