Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/260

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pouvaient rien perdre sans un dommage irréparable pour les temps qui suivirent, et que, du moins en fait d’art, ces hommes du Nord, ces Celtes, ces Germains, ces Slaves, au sortir de leurs forêts, n’avaient rien de mieux à faire que de venir s’asseoir aux pieds des maîtres latins pour apprendre d’eux l’éloquence et la poésie. Cependant il n’en est pas ainsi : le cinquième siècle gardait la tradition de l’art, mais enveloppée dans tous les défauts, dans tous les vices de la décadence, et nous allons voir ce qu’il fallut vaincre de résistances pour l’en dépouiller.

La décadence latine, dont je ne vous ferai pas l’histoire, commence avec l’empire, avec le règne d’Auguste, au moment où la liberté finit. C’est un lieu commun historique, une vérité vulgaire, que l’inspiration ne saurait vivre que de liberté ; cependant rien ne semble plus contestable et plus contredit par les faits ; on allègue en ce sens le siècle d’Auguste, celui des Médicis, celui de Louis XIV et tous ceux où un despotisme immense sembla couvrir toutes choses de son ombre, mortelle pour l’indépendance et bienfaisante pour le génie.

Mais ceux qui ont soutenu cette thèse ne prennent pas garde que les grands princes qui ont donné leur nom aux siècles d’or des littératures n’ont pas ouvert ces siècles, mais les ont fermés, et que c’est celui-là qui laisse son nom sur la pierre tumulaire du grand siècle qui l’a enterré. Auguste commence par vendre la tête de Cicéron à Antoine, et par pacifier l’éloquence, comme