Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/275

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poétiques. De même, lorsque Rufin, enveloppé par des soldats, est mis en pièces, sa tête emportée d’un côté, ses bras de l’autre, et son corps coupé en morceaux, Claudien éprouve une joie féroce, il ne peut assez s’abreuver de ce sang qu’il voit couler avec autant de plaisir que Diane lorsque ses chiens déchirèrent Actéon, et il s’écrie :

Felix illa manus talem quæ prima cruorem
Hauserit[1] !……

D’un autre côté, les hommes ne valaient guère mieux que les dieux pour inspirer les poëtes de ce temps. La familiarité d’Auguste, ce commerce élégant et discret qu’il entretenait avec les poëtes, pouvaient encourager les muses de Virgile et d’Horace ; Auguste voulait être loué ; mais plus la louange était délicate, plus elle le trouvait sensible. Il n’en est plus ainsi de cette domesticité du Bas-Empire, au pied de laquelle rampait notre poëte : Stilicon était un Vandale, Eutrope un eunuque ; Claudien était pour eux un serviteur à gages, qui leur devait des vers pour chaque espérance de bienfaits qu’ils lui donnaient. Aussi toute l’antiquité est immolée à Stilicon : on le comparera aux Scipions, qui, eux aussi, étaient favorables aux poëtes, mais on l’élèvera bien au-dessus d’eux. Serena, l’épouse de Stilicon, sera invitée à prêter ses auspices au mariage du poëte, et, dans une lettre de faire part en vers, où il annonce ses

  1. In Rufinum, lib. II, v.406.