Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/369

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veau, c’est la foi : la raison est assurément puissante ; elle est en nous, elle y est toujours ; il n’est pas de temps si malheureux où elle ne donne signe de sa présence et de son pouvoir. Mais on peut dire que la raison est liée en nous, qu’elle y est captive et ne peut rien jusqu’au moment où la parole du dehors la réveille ; il faut qu’on lui parle pour qu’elle sorte, pour ainsi dire, de son sommeil ; il faut qu’elle se parle à elle-même, qu’elle se reconnaisse ; pour prendre possession de son existence et de ses facultés, il faut que, faisant usage de ce langage, qui a extérieurement frappé son oreille, elle retourne sur elle-même, se nomme et se dise : « Je pense, donc je suis ! »

Ainsi la raison ne peut rien sans la parole qui la provoque ; la parole lui vient du dehors et, par conséquent, comme une autorité ; c’est une impulsion, une invasion qui se fait du dehors chez elle ; elle lui vient comme une prévenance d’un autre être raisonnable qui l’attire à elle et par lequel il lui est impossible de ne pas se laisser attirer. Quand on parle à l’âme, il est impossible qu’elle ne réponde pas, et le premier effort de la parole, c’est de provoquer l’adhésion de notre intelligence, c’est de faire qu’elle se jette, pour ainsi dire, au-devant de cette autre intelligence qui vient à elle ; et cette adhésion à la parole, c’est ce qu’on appelle, dans l’ordre de la nature, la foi humaine, à laquelle correspond, dans l’ordre théologique, la foi divine et surnaturelle.

Ainsi la raison et la foi sont deux puissances pri-