Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/415

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’esprit humain n’agit pas, en lui donnant des certitudes. Et remarquez que ce qui fait l’objection principale contre la philosophie chrétienne est précisément ce qui fait sa force, sa nouveauté, son mérite. — On dit sans cesse : le christianisme permet seulement de vérifier des dogmes qu’il déclare certains, il détermine le but, et c’est la route seule qu’il laisse chercher. — Mais je ne connais pas d’exemple de grands hommes, de profonds penseurs qui ne soient entrés dans la science avec l’idée ferme et arrêtée du but ; l’esprit humain ne se résigne pas à ce formidable travail de philosopher, de raisonner, s’il n’a d’avance un but où il tend. Je crois que le jour où Descartes allait en pèlerinage à Notre-Dame-de-Lorette, le pèlerin catholique avait la pensée bien arrêtée d’arriver à la preuve de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme. C’est dans cette fixité, dans cette certitude du but que se trouve la puissance du génie. Képler meurt en disant qu’il sait bien que ses calculs sont inexacts, mais que, Dieu aidant, tôt ou tard, un autre viendra qui corrigera ses calculs et constatera la vérité de ses recherches. Voilà bien le génie, la science, la philosophie ; voilà les illuminations, les éclairs, à la lumière desquels marche l’esprit humain ! Le christianisme apportait la certitude et, avec elle, il donnait la liberté pour choisir entre les voies diverses qui devaient y conduire. Il ne confinait plus la pensée humaine dans l’école des mystiques ou dans l’école des dogmatiques ; mais, s’adressant à la fois à l’esprit et au cœur, à l’intelligence et à