m’a rassemblé dans le Christ, mon Seigneur, médiateur entre votre unité et notre multitude, afin que, ralliant mon être dissipé au caprice de mes anciens jours, je demeure à la suite de votre unité, sans souvenance de ce qui n’est plus, sans aspiration inquiète vers ce qui doit venir[1]. »
Ainsi, vous le voyez, la raison le ramène à l’amour, tout comme l’amour l’a ramené à la raison ; toute la philosophie mystique de saint Augustin, conduite par l’amour, aboutirait à l’idée rationnelle et pure de Dieu, et toute la philosophie dogmatique de saint Augustin, conduite par la raison, aboutirait à l’amour de Dieu. C’est le caractère de la philosophie chrétienne de ne pouvoir séparer ces deux grandes puissances de l’âme : l’amour et la raison. L’antiquité nous représente le vieil Œdipe coupable, puni et aveugle, s’avançant péniblement appuyé sur ses deux filles, Antigone et Ismène, qui guident ses pas : l’esprit humain, ce vieil et royal aveugle, qui s’en va, depuis le commencement des temps, pour chercher son Dieu, n’a pas trop de ses deux filles, l’amour et la raison, pour arriver à son terme, pour arriver jusqu’à Dieu ; ne lui ôtons ni l’une ni l’autre.
Tout ce progrès de la philosophie obtenu par saint Augustin, ce dogmatisme nouveau, qui arrive à un Dieu véritable, c’est-à-dire à un Dieu créateur, seul, libre, ce dogmatisme, qui arrive à un Dieu aimable et réellement aimé, ne s’arrêtera pas à saint Augustin. Je vous
- ↑ Confess., l. XI, c. XXIX