Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/93

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s’accomplit la conversion des barbares. C’est Clotilde chez les Francs, Théodelinde chez les Lombards, Patrice que nous retrouvons en Irlande ; ce sont, enfin, deux absents, deux hommes qui restèrent en Italie, qui ne mirent pas le pied sur le territoire ennemi, et qui du fond de leur retraite conduisirent la conquête du Nord. L’un, saint Benoît, dans son désert du mont Cassin, forma les milices monastiques, les arma de l’obéissance et du travail. L’esprit dont il les anima, charitable et sensé, intrépide et persévérant, devait les pousser jusqu’au fond de la Germanie, au cœur de la Suède et de la Norvége, abattant les forêts et les superstitions qui en faisaient à la fois le prestige et l’horreur. L’autre, saint Grégoire le Grand, durant douze ans de pontificat, put à peine quitter le lit trois heures par jour, et de ce lit de douleur il dirigeait la guerre de la civilisation contre la barbarie, réformait l’Église des Francs, réconciliait les Lombards et les Visigoths ariens. Un jour, il se rappela que, passant sur le Forum, il y avait vu en vente des esclaves d’une grande beauté ; au dire des marchands, ces esclaves étaient des Angles. Par ses ordres, quarante missionnaires descendirent sur la terre des Angles : un siècle après, l’Angleterre était chrétienne.

Enfin, Rome, avec une sagesse admirable, s’était contentée d’un empire borné ; et le christianisme, avec une confiance plus admirable encore, voulait un empire sans bornes. Assurément du haut des promontoires de la Grande Bretagne, les généraux romains avaient