Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/186

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ries ; jusqu’à ce que nous nous engageâmes dans le petit canal qui nous menait à l’hôtel. Après les premiers soins du débarquement et de l’installation nous sortîmes à pied, nous, passâmes un petit pont et après avoir suivi quelque temps la petite rue qui longe Saint-Moïse, nous nous trouvâmes sur la place. Elle était inondée de la lumière que versaient les becs de gaz et qui la faisaient paraître immense. A gauche, les vieilles Procuraties si élégantes et si simples, où les ouvertures sont si nombreuses avec des supports si légers. A droite, les Procuraties nouvelles et le Campanile, pesant, trop peu orné, mais imposant par sa hauteur. Au fond, la ’basilique de Saint-Marc, sa façade découpée, ses dômes et ses croix puis, en retournant, la piazzetta, le palais ducal superbe et menaçant, les deux colonnes de saint Georges et de saint Marc, et enfin la mer. Cette fois, je ne voyais plus, je rêvais, et je ne pouvais croire à la réalité de cette vision, il me semblait que toute cette féerie allait s’effacer aux premiers rayons du jour : il était dix heures, on entendait de la musique de tous côtés, des groupes d’hommes et de jeunes femmes s’arrêtaient sous les portiques, et je commençais à comprendre tout ce qu’il y avait eu de voluptueux, de dangereux, dans cette vie enchantée des anciens Vénitiens, tout ce qui avait fait le charme de cette cité magique et tout ce qui en avait fait la perte.