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LETTRES DE FRÉDÉRIC OZANAM

aient peur de la solitude. Une âme ferme, nourrie aux grands souvenirs de l’histoire, n’ignore pas que souvent la vérité et la vertu se trouvèrent isolées parmi des multitudes ennemies, et que leur honneur fut de ne pas fléchir à l’entraînement général. Cependant quand on a vécu un peu davantage, on finit par faire deux autres remarques plus rassurantes. Premièrement dans les siècles qui précédèrent et qu’on a coutume de regarder comme des âges de croyance et de paix, on reconnaît des tentations et des périls comparables à ceux de nos jours. Jamais Dieu n’épargna l’épreuve à ses serviteurs, parce que jamais il ne voulut leur épargner le mérite et la gloire et le résultat des luttes passées nous répond de l’issue de l’époque présente. En second lieu, si l’on y prend garde de plus près, on finit par découvrir autour de soi beaucoup plus de christianisme qu’on avait cru d’abord. On est tout étonné, dans cette société française, tourmentée depuis cent cinquante ans par tant de doctrines perverses, ébranlée par tant de scandales, si décriée a l’étranger, de voir des œuvres de charité si nombreuses, des pratiques si fidèlement observées, l’Évangile entouré de si unanimes hommages, l’Église assurée de tant de dévouements ; et encore tant d’habitudes chrétiennes, et de souvenirs salutaires, de dispositions favorables chez ceux qui ne sont pas avec nous. Je ne parle pas des campagnes et de beaucoup de provinces, où est vrai-