Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/243

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rue Madame et de la rue de Fleurus. Nous avons eu bien des alarmes, des coups de fusil dans le voisinage et de mauvaises patrouilles à faire sur les boulevards ; mais, grâce à Dieu, nous n’avons pas brûlé une amorce. Ma conscience était en règle, et je n’aurais pas reculé devant le péril. Cependant je dois avouer que c’est un terrible moment que celui où l’on embrasse sa femme et son enfant en pensant que c’est peut-être pour la dernière fois.

Tu as dû trouver les détails de ces cruelles journées aussi longs que tu pouvais les désirer dans l’Ère Nouvelle. Ce journal me prend dans ce moment-ci la plus grande partie du temps que me laissent les examens. Depuis dix jours j’ai y fait cinq articles. Il est vrai qu’au milieu de l’agitation des événements je ne serais capable d’aucun autre travail. Nous avons d’ailleurs la consolation de faire quelque bien, car dans les rues de Paris on a vendu jusqu’à huit mille exemplaires par jour.

J’avoue qu’en un pareil moment on est heureux. de ne pas avoir à Paris ceux qu’on aime. Ce n’est pas une émeute, c’est la guerre civile que nous avons eue, c’est-à-dire la plus opiniâtre des guerres, celle qui n’attend qu’une occasion pour renaître. Je n’ai guère d’espoir qu’en Dieu et dans les mérites de notre saint archevêque. Par un concours de circonstances qu’il serait trop long d’expliquer, j’avais eu l’honneur de l’accompagner avec M. Bailly et M. Cornudet lorsqu’il est allé de chez lui chez le