Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/370

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souvenir, nous nous rappellerons toujours que vous avez fait ma carrière, que nous tenons de vous cette condition de vie qui ne fait pas le bonheur, mais sans laquelle le bonheur est bien troublé qu’enfin et par-dessus tout vous avez pris un si tendre intérêt à tous nos intérêts de cœur, et que vous avez voulu être pour nous un frère, ne nous permettant la déférence et le respect que dans la mesure que permet un frère aîné.

Et maintenant, comment vous étonneriez-vous de ma tristesse en vous voyant partir ? Pardonnez-moi d’avoir contrarié peut-être par ma mélancolie trop peu réprimée, le plaisir que vous vous promettez dans ce grand voyage.

Mais je ne pouvais vous dire de vive voix ce qui faisait le fond de ma tristesse. Je ne pouvais le dire parce que je ne voulais pas que vous fussiez obligé de me répondre, et si je vous l’écris maintenant, c’est qu’il est trop tard pour que vous me répondiez. Si mon épanchement est indiscret, les vagues qui vous poussent vers l’Amérique en emporteront la mémoire, les impressions qui vont se succéder pour vous effaceront cette impression, quand nous nous reverrons dans six mois, vous aurez eu le temps d’oublier ma lettre, ce qui vous y aura déplu ne pourra mêler d’aucune froideur la joie du retour.

Cher ami, vous vous engagez dans de longues fatigues, qui ne sont pas sans péril pour une santé si