Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/477

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quelque chapelle antique se faisait voir sur les mamelons voisins ? Sans doute aucun Sarrasin discourtois ne venait nous disputer le passage. Mais ces dames m’ont assuré qu’en gravissant la montagne de l’Esterelle, des hommes armés de haches avaient rôdé plus d’une heure autour de la voiture, en y jetant des regards inquiétants. Cependant, si le fait ne vous paraît pas suffire pour constituer l’épisode de voleurs qui doit orner un grand voyage, il est très-largement complété par le grand nombre de brigands honnêtes qui, sous le titre d’aubergistes, et le chapeau à la main, nous ont dévalisés et spoliés deux cent cinquante lieues durant. Enfin, pour que rien ne manquât à l’agrément de notre épopée, nous avions pris la mer de Gênes à Livourne ; mais ce perfide élément nous a traités comme des héros nous avons eu les vents déchaînés, les vagues sur le pont, et la malle de madame Ozanam si bien trempée, qu’au débarquement elle a dû faire dans l’hôtel le plus bel étendage qu’on ait jamais vu depuis le temps où la princesse Nausicaa faisait la lessive.

Vous demanderez, car je connais le faible de votre amitié, comment nos santés se sont tirées de ces prouesses. D’abord notre excellente mère a fait tête à la fatigue avec un courage admirable, elle a retrouvé son pied marin, et se riait des vents et des flots pendant que les quatre-vingt-treize passagers de la Marie-Antoinette se livraient aux bruits les