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LETTRES DE FRÉDÉRIC OZANAM

sitaire légal du monopole de l'enseignement. Fallait-il rompre avec ce corps qui l’avait reçu si jeune et comblé d’ honneurs ? Fallait-il, demeurant dans son sein, prendre une part active et nécessairement remarquée a la guerre qui lui était faite ? Dans le premier cas, Ozanam abdiquait sa chaire : pouvait-on encore le lui conseiller ? Dans le second cas, il appelait le second résultat en se donnant le tort de l’attendre: pouvait-on encore le lui conseiller ? Et cependant le professeur chrétien, le chrétien libéral, Ozanam, pouvait-il se séparer de nous ?

«  Il est rare que, dans les situations les plus délicates, et où tout semble impossible il n’y ait pas un certain point qui concilie tout, comme en Dieu les attributs en apparence les plus dissemblables se rencontrent quelque part dans l’harmonie d’une parfaite unité. Ozanam conserva sa chaire  : c'était son poste dans le péril de la vérité. Il n’attaqua point expressément le corps auquel il appartenait c’était son devoir de collègue et d’homme reconnaissant. Mais il demeura dans la solidarité la plus entière et la plus avérée avec nous tous ; je veux dire, quoique je n’aie pas le droit de m’y compter, avec ceux qui défendaient de tout leur coeur la cause sacrée de la liberté d’enseignement.

« Aucun des liens qui l’attachaient aux chefs et aux soldats ne subit d’atteinte. Il était et il fut de toutes les assemblées, de toutes les œuvres, de toutes les inspirations de ce temps, et ce qu’il ne disait pas dans sa chaire ou dans ses écrits ressortait de son influence avec une clarté qui était plus qu’une confession. Aussi pas un seul moment de défiance ou de froideur ne diminua-t-il le haut rang qu’il avait parmi nous il garda tout ensemble l’affection des catholiques, l’estime du corps dont il était membre, et, au dehors des deux camps, la sympathie de cette foule mobile et vague qui est le public, et qui, tôt ou tard, décide de tout. » (Œuvres du R.P. Lacordaire. Frédéric Ozanam, t.V, page 404. .)