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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/116

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platonique s’y fait place, mais ne souffre autour de lui rien que de chaste. Il raconte que dans sa jeunesse il avait aimé, pour sa beauté et sa vertu, une jeune esclave chrétienne, dont son tuteur était le maître et souvent il se disait « Heureux si j’avais une telle épouse ! » Quoique temps après, Hermas errait avec ses pensées dans la campagne, honorant les créatures de Dieu qu’il trouvait belles ; et, s’étant endormi, il songea qu’il était dans un lieu sauvage où il se mit à genoux pour prier et le ciel s’ouvrit, et il vit la jeune fille qu’il avait aimée, et elle lui disait

« Salut, Hermas ! –Ma Dame, que faites-vous là ? J’ai été appelée ici pour t’accuser, devant Dieu. Ma Dame, si j’ai péché contre vous, quand est-ce et en quel lieu ? Ne vous ai-je pas toujours tenue pour ma dame et respectée comme ma sœur ?–Un mauvais désir est monté dans ton cœur prie Dieu et il te pardonnera ton péché. » Et le ciel se referma[1]. Vous voyez là commencer cet amour qui se reproche jusqu’à la pensée légitime du mariage, cet amour qui ne veut rien d’intéressé, qui est tout entier dans le sacrifice, dans le dévouement, qui devient coupable au moment où il cesse de s’oublier lui-même.

C’est là le principe de toutes les lettres chrétien-

  1. Hermas, Pastor, visio prima.