Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/130

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Mais, au fond, quand on écarte ces aperçus utiles et lumineux de la science pour ne considérer que ce qui caractérise le génie du peuple, il est impossible de ne pas reconnaître dans les hommes qui parlent cet idiome âpre et concis les mêmes hommes que Plaute faisait haranguer par le dieu Mercure au commencement de l’Amphitryon , et auxquels -il souhaitait, non de douces et charmantes rêveries sous les ombrages frais, ou les plaisirs de l’esprit et de l’imagination, mais de s’enrichir promptement par un gain bon et durable[1] .

Voila le peuple trivial dont la langue est destinée à devenir celle de la civilisation universelle. Mais, lorsque les mœurs de la Grèce eurent envahi Rome, aussitôt les orateurs s’appliquèrent à modeler la langue latine sur les formes grecques. Une culture artificielle commençait, concentrée assurément dans un petit nombre d’esprits éclairés, mais poussée à un degré incroyable d’ardeur et de perfection. Cicéron s’exerce à déclamer dans cette langue grecque, qui offre plus de ressources et d’ornements. De plus, il ne lui suffisait pas de dérober à Démosthènes et à Eschine les figures, les raisonnements, les hardiesses de leurs compositions oratoires, c’était aussi les secrets de leur éloquence

  1. Et ut res rationesque vostrorum omnium
    Bene expedire voltis. peregreque et domi,
    Bonoque atque amplo auctare perpetuo lucro,
    Quasque incepistis res ; quasque inceptabitis.

    (Plaute, Amphitryon, prolog., v. 5)