Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/143

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la chair ou aux sens ; ensuite ces verbes qui expriment~aussi des idées que les anciens ne connaissaient pas, le verbe salvare, car Cicéron dit lui-.même quelque part qu’il n’existe pas de mot pour rendre le mot σωτήρ , pour exprimer l’idée du Sauveur, et il fallait une innovation chrétienne pour dire salvator, justificare, mortificare, jejuniare voilà beaucoup de verbes qu’il fallait produire. Ce n’était pas assez : il fallait descendre plus profondément que les anciens ne l’avaient fait dans les délicatesses du cœur humain. Sénèque, sans doute, avait poussé bien loin le scrupule de l’analyse, mais le christianisme allait plus avant et découvrait, dans les derniers replis du cœur, des vertus dont les anciens n’avaient pas cru l’homme capable. Les anciens Romains n’avaient jamais dit et les chrétiens les premiers disent compassio il est vrai qu’ils ne font pas toujours des mots latins, qu’ils se bornent quelquefois, à transcrire le mot grec ; c’est ainsi qu’ils dirent eleemosyna, l’aumône. Il fallait pousser avec vigueur ce travail qui créait ainsi à la langue des ressources qu’auparavant elle n’avait pas connues, et n’être plus retenu par la crainte de former des expressions nouvelles. La langue latine avait toujours gardé le caractère concret : la langue latine n’aimait pas les expressions abstraites elle n’avait pas le don de les tirer de son propre fonds. Ainsi, pour dire reconnaissance, les anciens latins disaient gratus animus;