Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/325

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branches d’arbres, les épines, les ronces, percés par la pluie et tachés par le sang des bêtes fauves ou par les ordures de leurs peaux. Qu’aucun de nous, dit alors le malin Charles, ne change d’habit jusqu’à l’heure où on ira se coucher ; nos vêtements se sécheront mieux sur nous. À cet ordre, chacun, plus occupé de son corps que de sa parure, se mit à chercher partout du feu pour se réchauffer… Le soir, quand ils commencèrent à ôter ces minces fourrures et ces minces étoffes qui s’étaient plissées et retirées au feu, elles se rompirent, et firent entendre un bruit semblable à celui de baguettes sèches qui se brisent. Les pauvres gens gémissaient, soupiraient et se plaignaient d’avoir perdu tant d’argent en une seule journée. Il leur avait été enjoint par l’empereur de se présenter le lendemain avec les mêmes vêtements. Ils obéirent : mais tous alors, loin de briller dans leurs beaux habits neufs, faisaient horreur avec leurs chiffons infects et sans couleur. Charles, plein de finesse, dit au serviteur de sa chambre : « Frotte un peu notre habit dans tes mains et rapporte-nous-le. » Prenant ensuite dans ses mains et montrant à tous les assistants ce vêtement qu’on lui avait rendu bien entier et bien propre, il s’écria : « Ô les plus fous des hommes ! Quel est maintenant le plus précieux et le plus utile de nos habits ? Est-ce le mien, que je n’ai acheté qu’un sou, ou les vôtres, qui vous ont coûté