Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/357

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Prudence, tous ces poëtes chrétiens sont Espagnols. Prudence est d’abord le poëte du dogme, il s’attache au dogme avec une énergie singulière, le développe avec toute l’ardeur d’un controversiste et avec toute l’exubérance qu’aura plus tard la poésie de Lopede Vega et de Caldéron. Mais je vais plus loin ; je pénètre dans l’esprit de cette poésie : il ne suffit pas à Prudence de mettre le dogme en vers, il le met en scène, il personnifie les affections humaines, les passions ; il compose un poëme intitulé Psychomachia , dans lequel il mettra aux prises la foi et l’idolâtrie, la chasteté, et la volupté, l’orgueil et l’humilité, la charité et l’avarice. Assurément rien, au premier, abord, ne paraît, devoir être plus fastidieux qu’une semblable composition. Etait-ce donc la peine de déserter cette littérature païenne alors toute chargée de lourdes allégories, qui personnifiait les passions, la patrie, la guerre : tantôt l’Afrique, tantôt l’Espagne ? Pourquoi venir encore créer d’autres allégories et peupler le champ de la poésie chrétienne. de personnages sans réalité ? Et cependant prenons-y garde le moyen âge aussi s’éprendra de ces allégories ; lui aussi, dans les sculptures de ses cathédrales, se plaira à multiplier à l’infini la personnification de toutes les affections humaines sans qu’il y ait là le moindre vestige d’idolâtrie, et à Chartres, par exemple, sur cet admirable portail de la cathédrale, vous verrez représentés par des figures humaines, avec des attributs heureusement