Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/41

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un effort qu’on ne peut demander facilement à la nature humaine. Les fondateurs de la vie spirituelle n’avaient demandé ces grands sacrifices, cette abnégation de tous les jours, qu’au nom de l’amour. Ils n’avaient jamais cru qu’on pût réunir des hommes nuit et jour dans la gêne perpétuelle d’un voisinage qui sans cesse froisse et mortifie, qu’on pût les forcer à s’oublier eux-mêmes ; ils n’avaient pas cru que ce prodige pût se faire au nom de l’orgueil qui veut commander, ni avec le sensualisme qui veut jouir. Il faut pour cela un degré d’abnégation auquel on ne peut arriver que par l’humilité et par la charité, et voilà ce que les ascètes chrétiens trouvaient dans la prière. Les Indiens, les sages du paganisme, ne priaient pas les anachorètes de l’Inde prient pas : ils contemplent, ils sont absorbés ; ils ont Dieu en eux, ils sont dieux eux-mêmes, pourquoi donc prieraient ils ? L’anachorète chrétien prie parce qu’il reconnaît quelque chose de plus grand, de plus fort que lui : il prie parce qu’il aime, parce qu’il aspire à une vie meilleure, parce qu’il aspire à Dieu. L’anachorète chrétien ne méprise pas ses semblables, il les aime passionnément. Vous avez cru qu’au moment où il laissait derrière lui son vieux père, sa vieille mère en pleurs ; vous avez cru qu’il allait les oublier, qu’il allait oublier tous les hommes non, il retrouvera son père, sa mère, tous les hommes, il les retrouvera à toutes les heures,