Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/425

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dogmes, la popularité de ses traditions, au culte discrédité des Muses profanes. Cette émulation éclatait en querelles : nous avons entendu les plaintes de Rathier de Vérone contre les trafiquants de science, les invectives dont Pierre Damien poursuit les moines fourvoyés à l’école des grammairiens. Gumpold, évêque de Mantoue, blâme sévèrement ceux qui, « poussés par le démon des vers, appliquent à des jeux poétiques,à des chansons de nourrices, une intelligence née pour de plus hautes destinées. Car l’amour des fables les gagne à ce point, qu’ils ne craignent pas de laisser périr la mémoire des saints et, s’attachant aux écrits des gentils, ils rejettent avec mépris tout ce qui est divin, simple, et souverainement doux pour les âmes[1]». À leur tour, les laïques n’épargnaient pas le sarcasme aux docteurs en froc. Pendant que le frère prêcheur Jean de Vicence suspendait à sa parole le peuple des cités lombardes, le grammairien Buoncompagno ne craignait pas de le chansonner dans des vers qui firent le scandale de Bologne[2] . Mais

  1. Gumpoldus, in Vita Vincizlavi ducis, apud Pertz,Monument., IV, 213.
  2. Tiraboschi, Istoria della Letteratura ital. VIII, 15. Voici les vers de Buoncompagno, qui témoignent sans doute d’un goût peu délicat :

    Et Johannes johannizat,
    Et saltando choreizat.
    Modo salta, modo salta,
    Qui celorum petis alta.