Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/451

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croix à la main, marche à leur tête. Le combat s’engage ; mais, quand Hugues Visconti, le plus valeureux et le plus beau des Pisans, tombe dans la mêlée, le poète, épuisant toutes les louanges pour honorer le jeune martyr, ne trouve rien de plus touchant que de le comparer à Codrus, mort pour son peuple. Il est vrai que la pensée chrétienne reprend l’avantage, et qu’elle éclate enfin dans une strophe pleine de mélancolie, de tendresse et d’espoir

Sic infernus spoliatur et Sathan destruitur,
Cum Jesus redemptor mundi sponte sua moritur ;
Pro cujus amore, care, et cujus servitio,
Martyr pulcher, rutilabis venturo judicio[1]

.

Nous retrouvons aux sources de la poésie populaire la même confusion du sacré et du profane qu’on a tant reprochée aux poëtes italiens ; mais nous reconnaissons aussi ce besoin du beau, cet admirable sentiment de l’art qui faisait chanter ces peuples dans la langue des anciens, jusqu’à ce que le dialecte vulgaire, façonné lentement, fût devenu capable de satisfaire l’oreille et d’immortaliser la pensée.

On prêchait

en latin

Des populations si bien préparées trouvaient

d’ailleurs une instruction plus complète qu’on ne pense dans les pratiques de la vie religieuse et de la vie civile. Sans parler des enseignements de l’Evangile, et de ces leçons que les sages du paga-

  1. Édelestand du Méril, Poésies populaires latines, t II, p. 239