créature humaine ou plutôt cette chose dont on se servait pour assouvir les plus lubriques passions, pour essayer des poisons comme Cléopâtre, ou pour nourrir des lamproies comme Asinius Pollion. Mais l’humanité n’a jamais perdu ses droits et Sénèque, quelque part, avait osé produire cette opinion téméraire que les esclaves pourraient bien être hommes comme nous. Sénèque cependant possédait vingt mille esclaves, et on ne voit pas que son stoïcisme lui en ait fait affranchir un seul. Bien mieux, ce stoïcisme avait passé dans les écrits des jurisconsultes romains, et cependant ne cherchent-ils pas à diminuer le nombre des manumissions qu’ils regardent comme menaçantes pour la sûreté publique.
Une moitié de ta population romaine était esclave,
et, chez l’esclave, on flétrissait l’âme en
même temps que le corps. C’était, en effet, un proverbe
reçu que de dire qu’à ceux à qui Jupiter enlève
la liberté, il ôte aussi la moitié de l’intelligence.
Les esclaves eux-mêmes en étaient persuadés : ils se croyaient destinés cette condamnation
éternelle, sous le poids de laquelle ils se sentaient
écrasés et flétris, et de là ces emportements de passions,
ce dévergondage grossier auxquels ils se livrent
et que nous apercevons surtout dans ces scènes
dont la comédie latine était si prodigue. Piaule
lui-même avait été esclave, il avait tourne la roue,
et nous pouvons le croire sur parole lorsqu’il nous