Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/63

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« chaîne de notre servitude et nous rendît à la liberté primitive, c’est agir d’une façon salutaire que d’avoir pitié des hommes que la nature avait faits libres, que, le droit des gens avait réduits en esclavage, et de les rendre par le bienfait de la manumission à la liberté pour laquelle ils naquirent[1].

Voilà les maximes qui ont été l’âme de tout ce grand travail du moyen âge pour l’émancipation des peuples, cette transformation des esclaves en serfs, des serfs en colons, des colons en propriétaires, des propriétaires en bourgeois et des bourgeois en ce tiers état qui devait devenir un jour le maître chez les peuples modernes. Voilà les principes qui animeront saint Eloi, lorsque cet homme illustre, s’échappant du palais des rois mérovingiens, dont il est le serviteur et le ministre, se rend sur la place publique, attendant avec impatience le moment où viendront les captifs qu’on y met en vente, qu’il achète, et qu’il affranchit ensuite dans la basilique, afin de les déclarer libres aux pieds du Sauveur. Plus tard, Smaragde, écrivant au roi Louis le Débonnaire, lui faisait un devoir de conscience de ne plus souffrir d’esclaves dans ses domaines et de rendre un édit pour abolir la servitude sur une terre chrétienne. Ainsi cet effort d’émancipation se fera sentir dans la société chrétienne jusqu’à la fin, et,

  1. Decret. Grat. p 11, caus. XII quaest. 2. V.M. Wallon, Histoire de l'esclavage, t III, p 382.