mesuré, des Gallo-Romains. Toutefois ces missionnaires, admirables dans la Gaule orientale, l’Alémannie et la Bavière, où ils trouvent à régénérer un vieux fonds de population celtique comme eux, à remplir la vocation particulière de leur race, à s’interposer entre les conquérants germains et les restes de la société romaine, semblent devenir impuissants dans les contrées toutes germaniques, dans la Thuringe, par exemple, où le fonds celtique et romain leur manque. Ils y mourront martyrs comme saint Kilian mais d’autres moissonneront ce que leur sang aura semé. Il se peut que les moines irlandais aient donné trop de place dans leurs règles aux traditions de l’Orient qu’en Irlande même, ils aient mieux réussi à sauver la civilisation derrière les murs de leurs couvents qu’à la répandre en dehors, qu’à mettre la paix entre les vingt-cinq rois et les clans ennemis qui se disputaient la souveraineté de l’île. On peut croire que leurs missionnaires ne renoncèrent pas assez aux contemplations des anachorètes, et qu’emportant pour ainsi dire avec eux la Thébaïde, ses austérités et ses extases, ils manquèrent, non pas de zèle pour le salut des barbares, mais de flexibilité pour se plier à leurs mœurs, et de condescendance pour leurs faiblesses. Mais c’est surtout le génie de leur nation qui ne les quitte pas, qui les soutient et les inspire tant qu’ils sont, pour ainsi dire, sur leur terrain, et qui semble les abandonner lorsqu’ils demeurent isolés parmi
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