Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/401

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le moyen âge ne partagea pas. A mesure que la réalité allait en s’effaçant, l’idéal grandissait. Ce ne sont point seulement les légistes des Césars allemands qui leur attribuent le titre de seigneurs du monde, avec le droit de considérer les rois comme autant de magistrats provinciaux, et de publier les décrets qui obligent toutes les consciences. Les théologiens ne peuvent se dérober au prestige de la monarchie universelle. Saint Thomas lui-même, ou du moins celui de ses disciples qui acheva son livre dit Gouvernement des princes, professe que l’humanité, comme la nature, gravite vers l’unité. Il reconnaît l’effort de l’unité politique pour se constituer dans les grands empires de l’antiquité, tels que les décrit la vision du prophète Daniel. Il établit les droits de Rome au gouvernement du monde par les trois vertus dont elle donna le spectacle, l’amour de la patrie, le zèle de la justice et la clémence dans l’exercice du pouvoir. C’est la monarchie romaine régénérée par le baptême de Constantin, que le vicaire du Christ transfère aux Allemands ; et l’auteur de ce livre, un serviteur de l’Église, ne craint pas de faire travailler ainsi tous les siècles à l’élévation d’un pouvoir qui venait de soutenir deux cents ans de combats contre l’Église. Dante reprend la même thèse dans son traité de la Monarchie; il l’étaye d’autres motifs, et la pousse à des conséquences plus menaçantes pour la liberté. Il voit l’homme placé aux confins des deux mondes,