Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

met sous ses pieds, et le titre qu’elle met sur sa tête[1].

La féodalité n’eut rien de chrétien.

Ce qui étonne dans les origines de la féodalité, c’est de n’y trouver rien de chrétien. Le christianisme sacrait les rois, il affranchissait les peuples ; on ne voit pas qu’il ait rien fait pour affermir le pouvoir des nobles. Sans doute il finit par bénir la chevalerie, par lui ouvrir la lice des croisades et des cloîtres guerriers du Temple et de l’Hôpital mais il ne pouvait consacrer le principe païen de l’inégalité des races. L’Église ne condamna pas l’aristocratie militaire, elle la supporta comme une nécessité des temps ; mais en la surveillant, en soutenant contre elle une lutte de six siècles pour échapper au péril d’être inféodée, et pour arracher la crosse aux mains qui portaient le glaive. C’est qu’en effet, si la royauté, malgré ses excès, avait le mérite de tendre à l’unité, la féodalité, malgré ses services, eut le danger de tendre à la division, au morcellement du territoire, à cet esprit d’indiscipline qui fait le caractère de la barbarie. Il ne faut oublier ni le sang que la noblesse versa pour la défense du pays, ni le bienfait d’une éducation qui entretenait dans les familles la tradition des

  1. En ce qui touche l’existence d’une noblesse héréditaire chez les plus anciennes nations germaniques, voyez les textes rassemblés dans mon Essai sur les Germains avant le christianisme chap. I et II Pour les colonies militaires de l’empire romain, ibid., chap. VI. Sur les bénéfices et la condition des bénéficiers pendant la période mérovingienne, voy. Guerard, Polyptique de l’abbé Irminon, Prolégomènes, p. 536. Lehuerou, t. I, p. 350.