Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/456

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pour les jeter sur ses rivages. Je doute que Rome, la ville vénérée, entende des chants si pompeux aux lectures qu’applaudit le forum de Trajan. Certes, si tu avais récité de si nobles paroles en présence du sénat, on eût mis des tapis d’or sous tes pieds ; tu verrais tes vers, portés par la faveur du peuple, courir sur les places, dans les carrefours, et passer de ville en ville. Toutefois, seigneur, j’ai noté quelques endroits où la nouveauté s’introduit furtivement à la place de la règle antique. Dans un petit nombre de vers, une syllabe de trop a rompu la mesure, et la muse gémit de se sentir un pied boiteux. » On voit que Fortunat ménageait ses disciples, mais sans leur taire la vérité. Au fond de sa retraite, il tenait école d’éloquence et de poésie, pardonnant à ses turbulents élèves plus d’une infraction aux règles de la langue, espérant bien de cet âge violent dont Grégoire de Tours avait désespéré. Sans doute il n’eut ni la verve, ni l’élévation ni la tristesse solennelle de Grégoire de Tours ; mais il n’eut pas à essuyer les mêmes tempêtes il vit l’avenir d’un lieu plus serein, et se trouva plus juste pour avoir été plus indulgent[1].

  1. Fortunat,Carmin.VI, 1, 5, 7, 10, 15, 21 ; VII, 11, 12,’16, 20, ad Bertegrammum episcopum :

    Ardua suscepit missis epigrammata chartis.
    Atque cothurnato verba rotata sopho.
    Percurrens tumido spumantia carmina versu,