pant de voiles ; si Donatus, Enée et les autres avaient réduit toute leur philosophie en énigmes qu’ils proposaient à leurs disciples, ils ne pouvaient lui prêter des dehors plus attrayants pour des peuples enfants, ni plus flatteurs pour les habitudes des Germains. Dans le loisir de leurs longues nuits, ils aimaient à se proposer, à résoudre des questions difficiles. Les recueils de poésies anglo-saxonnes sont pleins d’énigmes en vers que les chanteurs ambulants portaient de manoir en manoir ; et nous avons vu les dieux, les géants et les nains de l’Edda s’exercer à ces assauts de l’intelligence, où la mort est la peine du vaincu. Quand le nain Alvis va trouver le dieu Thor, il lui récite les noms des astres et des éléments dans les langues différentes des Ases, des ilfes et des hommes, il faut bien admettre un idiome théologique, une science réservée aux prêtres, transmise avec l’écriture mystérieuse des Runes ; en sorte que cette discipline du secret, que nous regardions comme la dernière ressource d’une civilisation vieillie, est en même temps un des premiers instincts des peuples qui commencent. Tant la nature humaine semble éprise de l’inconnu, insatiable d’apprendre, inconsolable s’il arrivait un moment où elle aurait tout appris ! Comme le jour ne lui vient qu’entre deux nuits, la science ne lui plaît qu’entourée de mystères et, si tourmentée qu’elle soit du besoin
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