un monde qui s’achèvera quand il aura trouvé ses maîtres. Mais il fallait les trouver.
Le jour de Noël 496, l’évêque Remi attendait sur la porte de la cathédrale de Reims. Des voiles peints, suspendus aux maisons voisines, ombrageaient le parvis. Les portiques étaient tendus de blanches draperies. Les fonts étaient préparés et les baumes versés sur le marbre. Les cierges odorants étincelaient de toutes parts ; et tel fut le sentiment de piété qui se répandit dans le saint lieu, que les barbares se crurent au milieu des parfums du paradis. Le chef d’une tribu guerrière descendit dans le bassin baptismal : trois mille compagnons l’y suivirent. Et quand ils en sortirent chrétiens, on aurait pu voir en sortir avec eux quatorze siècles d’empire, toute la chevalerie, les croisades, la scolastique ; c’est-à-dire tout l’héroïsme, la liberté, les lumières —modernes. Une grande nation commençait dans le monde : c’étaient les Francs[1]
L’Église le comprit. Ces illustres évêques des Gaules, qui veillaient depuis cent cinquante ans, pour attendre l’heure de Dieu, sentirent qu’elle était venue. Saint Remi reconnut dans son néophyte un nouveau Constantin. Saint Avitus de Vienne écrivit : « L’Occident a trouvé sa lumière. »
- ↑ Gregor.Turon.II… « Talemque ibi gratiam astantibus Deus tribuit, ut aestimarent s e paradisi odoribus collocari ». Grégoire de Tours réduit le nombre des Francs baptisés à trois mille : Frédégaire les porte à six mille. Hincmar les concilie en comptant trois mille guerriers, leurs femmes et leurs enfants.