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badour apprenait de lui à chercher les véritables sources de la poésie ailleurs que dans les lieux communs du gai-savoir provençal, ailleurs que dans les réminiscences de la mythologie classique, mais au vif du cœur humain, dans ce fond inépuisable de la conscience remuée par la foi et par le repentir. Frère Pacifique devint plus tard Ministre provincial en France. Mais au milieu des plus austères devoirs on reconnaît le poëte, ne fût-ce qu’à l’éclat des visions qui le poursuivaient. Ce fut lui qui vit un jour le ciel ouvert, et au milieu un siége vide ; et une voix lui dit que ce siège avait été celui d’un ange tombé, mais que Dieu le réservait au pauvre d’Assise. Si donc il ne nous reste rien sous son nom, n’en accusons point les rigueurs du cloitre. Sans doute l’ancien Roi des Vers voulut expier sa gloire, et cacha son génie dans quelques-uns de ces cantiques anonymes si communs au moyen âge, comme il avait caché son front couronné sous le capuchon de saint François[1].

Pacifique, en quittant la terre, laissa à ses Frères un poëte plus grand que lui dans la personne de

  1. S. Bonaventure, Legenda S. Francisci, cap. IV. Tiraboschi a reconnu la première source de ce récit dans la Vie de saint François, écrite pour la seconde fois par Thomas de Celano, et restée inédite parmi les manuscrits des Mineurs conventuels d’Assise « Erat in Marchia Anconitana secularis quidam sui oblitus et Dei nescius, qui se totum prostituerat vanitati. Vocabatur nomen ejus Rex Versuum, eo quod princeps foret lasciva cantantium et inventor secularium cantionum... » Cf. Wadding. ad ann. 1212 et 1225.