Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/120

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rivaux. Quand Frère Jacomino assure à ses auditeurs que son poëme n’est ni fable, ni dire de bouffons, il veut lutter d’intérêt avec les fabuleux récits d’Olivier et de Roland, que les jongleurs de son temps récitaient sur les théâtres de Milan et de Vérone. C’est ce qu’il ne faut point oublier en parcourant ces deux petits ouvrages, dont je ne dissimulerai pas les trivialités, afin de pénétrer jusqu’au vif dans les habitudes d’un peuple qui ne se laissait instruire et gagner qu’à ce prix[1]. Voici le début de l’Enfer : « A l’honneur du Christ, Seigneur et Roi de gloire, et pour le bien des hommes, une histoire je veux vous conter qui maintes fois s’en souviendra aura grande victoire du faux ennemi. Je veux vous dire des nouvelles de la cité d’Enfer combien elle est perverse et félonne. Elle s’appelle de son nom Babylone la Grande je répéterai ce qu’en rapportent les saints. Or, quand vous aurez entendu le fait et la raison, comment cette cité est construite en chacune de ses parties, peut-être, par un vrai repentir, obtiendrez-vous quelque pardon de vos péchés.[2] »

  1. Voyez, sur les formes ordinaires de l’épopée carlovingienne, l’Histoire de la Poésie provençale, par M. Fauriel, t. II, chap. XXV ; sur la popularité des Chansons de Geste, en Italie, au moyen âge. Alberto Mussato, de Gestis Italicorum post Henricum VII, praefatio ad librum III : « Et solere etiam amplissima regum ducumque gesta, quo se vulgi intelligentiis conférant, pedum syllabarumque mensuris variis in vulgares traduci sermones, et in theatris et in pulpitis cantilenarum modulatione proferri.
  2. On me pardonnera si je suis obligé de reproduire ici quel-