Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/122

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Le roi de cette ville des douleurs se nomme Lucifer, et les démons qui le servent sont peints sous les traits que leur prêtait l’imagination populaire, sans doute pour se venger des terreurs qu’ils ,lui causaient. Jacomino, comme Dante, comme Orcagna, comme Michel-Ange, les représente le front cornu, les mains velues,’plus noirs que charbons, hurlant comme loups, aboyant comme chiens, armés qui de lances, qui de fourches, qui de bâtons et de tisons brûlants. Ils respirent la flamme l’un attise le brasier, l’autre bat le fer ou coule le bronze. À cette description, on ne s’étonne plus que. le bon religieux s’effraye et s’écrie, « Si horrible à voir est cette cruelle compagnie, qu’on aurait plus de plaisir à être chassés à coups d’épines, par monts et par vaux, de Rome jusqu’en Espagne, qu’à rencontrer un seul de ceux-ci-dans les champs».[1]

Le peuple de l’enfer n’a pas de plus grande joie que la venue d’un réprouvé. On s’empresse au-devant de lui, on le reçoit avec des chants de triomphe. Mais à peine est-il entré, qu’on lui lie les pieds et les poings, et qu’on le présente au roi de la Mort. Celui-ci le livre à un de ses perfides ministres, pour le jeter dans un puits plus profond que le ciel n’est élevé au-dessus de l’abîme. Si forte est la puanteur

  1. Cf. Dante, Enfer, chant XXII, 15.

    Noi andavam con li dicci dimoni
    Ahi fiera cômpagnia !