Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/157

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Après la lecture de ces vers, les Frères Mineurs ne craignirent plus d’ouvrir leurporte à Jacopone : ils reconnurent que sa folie était celle de saint François lui-même, lorsqu’aux premiers jours de sa pénitence on le voyait comme un insensé pourchassé à coups de pierres sur les places publiques d’Assise, ou qu’on le rencontrait dans la campagne, tout en pleurs, parce qu’il songeait à la mort du Christ. La même passion possédait maintenant le pénitent de Todi ; elle avait fait le prodige de toucher cette âme endurcie aux leçons des légistes, au froissement des affaires ; elle le poussait non-seulement au pied des autels, mais aux champs, dans les bois, dans tous les lieux où le Créateur se révélait par la beauté des créatures. Il allait chantant des psaumes, improvisant des vers, noyant ses chants dans ses larmes ; il embrassait d’une étreinte désespérée les troncs des arbres et, quand on lui. demandait pourquoi il pleurait de la sorte : « Ah je pleure, s’écriait-il, de ce que l’amour n’est pas aimé. » Et comme on le pressait d’expliquer à quels signes le chrétien peut s’assurer qu’il aime son Dieu : « J’ai le signe de la charité, disait-il, si je demande une chose à Dieu, et que, Dieu ne la faisant pas, je l’en aime davantage, et que, Dieu

    pone , l’examen de ces sentiments, dont on pourrait redouter l’excès, s’ils n’étaient corrigés par d’autres passages d’une doctrine irréprochable.