Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/180

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malade et reconnut les approches de la mort. Ses compagnons le pressaient de demander les sacrements de l’Église mais il déclara qu’il attendrait frère Jean de l’Alvernia dont il était tendrement aimé, et des mains de qui il voulait recevoir le très saint corps de Jésus-Christ. À ces mots, les religieux commencèrent à s’affliger, car il n’y avait nul espoir que frère Jean pût être averti en temps utile. Mais le mourant, comme s’il ne les entendait point, se soulevant sur sa couche, entonna le cantique Anima benedetta . Il avait à peine achevé ce chant, quand les frères virent venir dans la campagne deux des leurs, dont l’un était Jean de l’Alvernia. Un pressentiment impérieux l’amenait au lit de mortde son vieil ami : il lui donna d’abord le baiser de paix, et ensuite les saints mystères. Alors Jacopone, ravi de joie, chanta le cantique Jesu, nostra fidanza; après quoi il exhorta les frères à bien vivre, leva les mains au ciel, et rendit le dernier soupir. C’était la nuit de Noël, au moment où le prêtre, commençant la messe dans l’église voisine, entonnait le Gloria in excelsis. Le souvenir des dissensions religieuses s’était effacé. Il ne restait de Jacopone que la tradition de sa pénitence, l’exemple de l’amour de Dieu poussé par lui jusqu’au dernier effort de la nature, et enfin ses cantiques populaires, répandus comme une rosée du ciel sur les montagnes de l’Ombrie. Les ignorants et les pauvres aimèrent ce saint homme