Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/223

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comme je te vois obscurci !… Ô mon fils blanc et blond, mon fils au doux visage ! ah ! par quelle raison le monde a-t-il voulu ton opprobre et ta mort ? Fils admirable et cher, fils de la femme désolée, ah que ce peuple t’a traité méchamment ! Et toi, Jean, mon nouveau fils, ton frère est mort. Ah j’ai senti la pointe du glaive qui me fut prophétisé ! »

Supposez cette scène représentée le vendredi saint, sous le portique d’une église, par des paysans italiens, les plus passionnés des hommes, et vous avez les commencements de la tragédie chrétienne. Jamais la douleur ne jeta des cris plus déchirants que ceux-ci et jamais non plus la joie n’eut des accents plus aimables que les noëls de Jacopone, soit qu’il mène les bergers à la crèche, soit qu’il conduise aux pieds de la Vierge une troupe de pieux fidèles qui la supplient de leur prêter un moment l’Enfant divin. Il faut lire dans leur langue ces chants, dont on ne peut traduire ni la mélodie musicale ni la grâce enfantine. On voit le théologien, le censeur de l’Église et du monde, se faire petit avec les petits, s’occuper de leurs plaisirs, et trouver des cantiques d’une simplicité et d’une douceur incomparables pour réjouir la bonne fileuse au berceau de son nouveau-né, ou pour élever à Dieu l’âme du pâtre perdu dans la montagne. Comme il est de toutes leurs fêtes, il connaît aussi leurs devoirs et leurs peines. C’est pour eux qu’il résume en