Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/333

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en cet état dans une église, et de prêcher au peuple[1]. » A cet ordre, frère Rufin se dépouille, va à Assise, entre dans une église, et, ayant fait la révérence à l’autel, il monte dans la chaire et se met à prêcher. Sur quoi les petits enfants et les hommes commencèrent à rire, et ils disaient : « Or voici que ces gens-là font si grande pénitence, qu’ils deviennent insensés et perdent l’esprit. »

Dans ce moment même, saint François, réfléchissant à la prompte obéissance de frère Ruffin, qui était des plus nobles d’Assise, et au dur commandement qu’il lui avait imposé, commença à se reprendre lui-même, en disant : « D’où te vient tant de présomption, fils de Pierre Bernardoni, homme chétif et vil, de commander à frère Ruffin, lequel est des plus nobles d’Assise, qu’il aille nu prêcher au peuple comme un fou ? Au nom de Dieu, tu essayeras sur toi-ce que tu commandes aux autres. » Et aussitôt, dans un transport d’esprit, il se dépouille pareillement, et s’en va à Assise, menant avec lui frère Léon pour porter son habit et celui de frère Ruffin et les habitants, le voyant comme l’autre, le honnissaient de même, jugeant que lui et frère Ruffin étaient devenus fous

  1. Ce commandement de saint François rappelle les épreuves auxquelles les Pères du désert soumettaient quelquefois l’humilité de leurs disciples. L’épreuve d’ailleurs était moins blessante pour les yeux de la foule sous un climat chaud, où l’on voit encore les lazzaroni dans le costume décrit par l’auteur des Fioretti.