Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/359

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son ami, que de la mort du corps il ne sentait aucune peine ; mais avec une grande tendresse d’esprit il l’appelait, disant en lui-même : « Frère Jacques, mon doux père ; frère Jacques, mon doux frère ; frère Jacques, très-fidèle serviteur et ami de Dieu ; frère Jacques, compagnon des anges et joie des saints ! »

Avec cette certitude et cette joie, frère Jean revint à lui et aussitôt il partit du couvent, et alla visiter ce frère Jacques à Moliano. Il le trouva si appesanti, qu’à peine il pouvait parler ; il lui annonça la mort de son corps et le salut et la gloire de son âme, selon la certitude qu’il en avait par la révélation divine. Là-dessus frère Jacques eut l’âme et la figure toutes réjouies ; et il reçut son ami avec une grande allégresse et un joyeux sourire, le remerciant de la bonne nouvelle qu’il lui apportait ; et se recommandant à lui dévotement. Alors frère Jean le pria tendrement de revenir après sa mort le trouver et lui révéler son état ; et frère Jacques le lui promit, s’il plaisait à Dieu. Et ces paroles dites, frère Jacques, sentant approcher l’heure de son passage, commença à prononcer dévotement ce verset du psaume : « In pace in idipsum dormiam, et requiescam ; » c’est-à-dire : « Je m’endormirai en paix pour la vie éternelle, et je me reposerai. » Et, ce verset dit, avec la figure joyeuse et gaie, il passa de cette vie à l’autre. Après qu’il fut enseveli, frère Jean retourna au