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que Béatrix traversait autrefois au milieu du murmure admirateur de la foule ; il revoyait la maison où, à l’âge de neuf ans, il avait connu cet ange de beauté et d’innocence ; tout lui parlait d’elle rien n’avait dompté cette âme orageuse. Il fallut la pensée de l’Enfer pour porter le coup décisif. Voilà ce que le poëme atteste. Il s’y mêle la pieuse croyance d’une intervention de Béatrix, de sainte Lucie, que Dante honorait particulièrement, et de la sainte Vierge, dont la figure devait couronner la Divine Comédie, comme tous les beaux monuments du moyen âge. Enfin, le moment désigne pour la vision du poète, par conséquent pour ce qui se passa en lui, est le moment où la religion fait ses derniers efforts sur le cœur des hommes : c’est la semaine sainte[1].

Au temps donc où Dante achevait sa trente cinquième année, c’est-à-dire en 1500, et pendant la semaine sainte, je cherche un grand événement qui ait pu remuer sa conscience. Or, le 22 février de l’an 1500, le pape Boniface VIII avait publié les indulgences du Jubilé, pour « tous les pèlerins qui, vraiment repentis et confès, visiteraient quinze

  1. Le calcul est fait par tous les commentateurs, et repose principalement sur un passage de l’Inferno XXI ; le poëte pénètre en enfer le samedi saint, 4 avril, de l’an 1500. Il en sort le jour de Pâques. Cf. une excellente dissertation du P. Pianciani, insérée aux Annali delle scienze religiose de Rome di una nuova opinione intorno all’ anno in cui Dante finge d’aver fatto il suo Poetico viaggio.