Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/45

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leurs passe-temps poétiques. Les gens du Trastivere se disent fils des Troyens ; ils se font raconter dans les cabarets l’histoire de la belle Tarpeia qui trahit sa patrie pour des bracelets, et qui fut étouffée sous des boucliers. Ouvrez ces petits livres étalés aux marchés et aux foires, et que les villageois achètent avec les bijoux d’argent qu’ils rapporteront a leurs femmes, avec les rubans rouges dont ils orneront les cornes de leurs bœufs : vous n’y trouverez point l’abrégé prosaïque d’anciennes épopées perdues, comme nos histoires de Robert le Diable et des quatre fils Aymon. Ce ne sont pas non plus de simples romances, comme nos cantiques de saint Hubert ou de Geneviève de Brabant. Ce sont de petites épopées, des chansons de geste, comme on disait au moyen âge, divisées en octaves, composées dans le mètre épique du Tasse et de l’Arioste. Elles comptent de cinq cents à deux mille vers, beaucoup trop pour être retenues par toutes les mémoires elles ne peuvent être apprises que par des gens qui en font métier, qui font le métier de rapsodes, comme on le faisait en Grèce au temps d’Homère. Elles ne sauraient être récitées d’un bout à l’autre qu’aux jours de loisir, aux jours chômés : c’est une de ces récréations sérieuses, qui plaisent surtout au peuple de la campagne romaine, et qui le tiennent assemblé durant de longues heures sur les places publiques. Les compositions de ce genre que j’ai pu recueillir sont nombreuses.