Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/460

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Mais, pour aller jusqu’au fond de l’antiquité chrétienne, il faut ouvrir le Livre du Pasteur, conservé sous le nom d’Hermas, et-dont les belles allégories consolaient la piété des premiers fidèles. J’y vois déjà tout le symbolisme du moyen âge : l’Église sous les traits d’une vierge vêtue de blanc ; la tour du salut, bâtie par les anges avec des pierres qui sont des âmes. Celles qu’on rejette roulent dans le feu, où elles brûlent ; tandis que sept femmes, représentant les sept vertus, soutiennent l’édifice et y font entrer ceux qui les servent. Mais ce qui me frappe surtout, c’est le souvenir d’une jeune fille qu’Hermas avait aimée ; car elle était sainte et belle, et souvent il s’était dit dans son cœur : « Heureux si j’avais une telle épouse ». Or, elle mourut, et longtemps après, Hermas, se promenant un jour le cœur plein de ce cher souvenir, s’endormit, et il lui sembla qu’il était transporté dans’un lieu sauvage, où il s’agenouillait pour prier Dieu et confesser ses fautes. Pendant qu’il priait, le ciel s’ouvrit, et la jeune fille le saluait d’en haut. Et comme il lui demandait ce qu’elle faisait auprès de Dieu : « J’y suis, dit-elle en souriant, pour t’accuser. Hermas, il est des pensées qui ne naissent jamais dans le cœur d’un juste. » L’art chrétien ne fait que de naître ; et je crois déjà saisir l’une de ses plus admirables inspirations. Ce rêve ne finira pas, ce ciel ouvert ne se fermera point, cette jeune sainte a déjà bien des traits de Béatrix, de celle