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nomie de la Providence laisse à chacun la libre dispensation de son bien. Cette distinction, qui se réduit à celle des devoirs parfaits et des devoirs imparfaits professée par tous les jurisconsultes, contient la solution des problèmes qui font notre inquiétude : elle concilie l’apparente contradiction de la justice et de la charité ; elle conclut au dépouillement volontaire au lieu de la spoliation, et au sacrifice au lieu du vol[1].

Le Christianisme n’affaiblissait donc point la propriété ; il la conservait, au contraire, comme la matière même du sacrifice, comme la condition du dépouillement, comme une partie de cette liberté sans laquelle l’homme ne mériterait pas. Mais, en même temps qu’il prenait la liberté sous sa garde, il l’exerçait au dévouement, à l’abnégation de soi, à la pratique de la fraternité. S’il faisait du vol un crime, il fit de l’aumône un précepte, de l’abandon des biens un conseil, et de la communauté un état parfait dont l’ébauche plus ou moins achevée se reproduisit à tous les degrés de la société catholique.

Pour ne pas abandonner le précepte de l’aumône aux interprétations de l’égoïsme et de l’avarice, l’Église avait procédé à une évaluation approximative du superflu de chacun en le fixant au dixième du revenu. Encore avertissait-elle le riche que ses gerbes, déjà dîmées, restaient engagées

  1. S. Thomas, secunda secundæ, qq. 32, 66.