Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/226

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comme on l’a fait, courbées sous le sceptre des rois ou sous la férule des clercs.

Rien ne semble plus fait pour détacher l’homme des hautes pensées et des grands devoirs que le travail industriel, qui ne lui laisse pas même, comme au laboureur, le spectacle et les leçons de la nature. Mais, par une admirable économie, il se trouve que ces hommes, sevrés de la nature, sont pressés d’un besoin plus impérieux de société, et qu’ils cherchent dans la compagnie de leurs égaux les satisfactions morales dont le cœur humain ne se passe pas. Les lois romaines faisaient dater de Numa le partage des artisans en neuf corporations (collegia sodalitates), qui, traversant tous les siècles de la république, occupèrent souvent la législation impériale, et l’inquiétèrent quelquefois. Le christianisme les recueillit comme un de ces débris de la civilisation ancienne qu’il sauva en les sanctifiant. Saint Grégoire le Grand écrit au magistrat de Naples pour lui recommander la corporation des fabricants de savon, et Ravenne, au huitième siècle, est divisée en communautés de métiers (scholæ) qui forment autant de corps de milice armés pour la défense des papes contre les attentats des empereurs iconoclastes. Aux dieux avares des artisans romains l’Église avait substitué le patronage des saints, exemples de justice et de résignation, aux orgies les aumônes, la communauté de mérites et de prières : elle donnait à ces corporations régénérées le nom