Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espoir de l’orgueil humain de se dégager de tout ce qui oblige, parce que toute obligation implique dépendance, mais c’est un espoir éternellement trompé. Non, nous ne connaissons pas un homme, si bien partagé qu’il soit des biens de ce monde, qui puisse se coucher un soir en se rendant ce témoignage qu’il ne doit rien à personne. Nous ne connaissons pas de fils qui se soit jamais acquitté envers sa mère, pas de père de famille honnête qui ait jamais trouvé le jour où il ne devait plus rien à l’amour de sa femme et à la jeunesse de ses enfants. Quand nous aurions l’honneur de mourir pour notre pays, nous nous croirions encore ses débiteurs. La Providence n’a pas permis que les rapports sociaux se balançassent comme l’actif et le passif d’un commerce bien conduit, et que les affaires de l’humanité fussent réglées comme un livre en partie double. Tout l’art de la Providence, et pour ainsi dire tout son effort, est, au contraire, de lier le passé. à l’avenir, les générations aux générations, l’homme à l’homme, par une suite de bienfaits qui engagent et de services qui ne s’acquittent pas.

Ne voyez-vous pas, en effet, que les grands services sociaux, ceux dont une nation ne se passe jamais, ne peuvent ni s’acheter, ni se vendre, ni se tarifer à prix d’argent, et que si la société rétribue ceux qui les rendent, elle se propose non de les payer, mais seulement de les nourrir ? Ou bien