Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/60

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fique dans le monde des intelligences, dans les arts et les lettres. Un grand peintre de mœurs, Fernan Perez de Gusman, traçait ainsi le caractère littéraire du roi Juan II « Il connaissait les gens et distinguait ceux qui conversaient avec sagesse et avec grâce. Il se plaisait à écouter les hommes de sens et remarquait ce qu’ils avaient dit. Il entendait le latin et le parlait. Il lisait bien, il aimait les livres et les histoires, il goûtait les poésies des beaux esprits et discernait les vers mal faits. Il prenait grand plaisir aux entretiens gais et spirituels, et pouvait y mettre sa part. Il comprenait aussi la musique, chantait et jouait des instruments..» Lui-même ne dédaignait pas de composer, et il en savait assez pour chanter en rimes légères la puissance de l’amour et la cruauté d’une dame. Toutefois le mérite de Juan II fut surtout de rassembler, d’encourager, de multiplier par conséquent les talents poétiques, et d’en former une pléiade qui eut sa splendeur. Autour de ce trône orageux, sur ses marches ensanglantées, on n’entend que chants et vers de toute mesure. Le grand connétable Alvaro de Luna dicte des couplets, en même temps qu’il médite les desseins qui le mènent l’échafaud. Le marquis de Villena rédige un Art poétique (Arte de trobar) . Le marquis de Santillane compte, de sa main gantée de fer, les syllabes cadencées de tous ses sonnets. Le commandeur Calavera propose à tous