Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/55

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proclamé, solennellement, non seulement que le parti intellectuel se proposait d’asseoir sur le monde une domination philosophique, religieuse, métaphysique, mais même qu’il y avait réussi pleinement.

Cette déclaration, officielle, cette solennelle proclamation est d’autant plus intéressante, si elle n’était pas d’autant plus imprévue, que M. Viviani n’étant point proprement, originairement, un intellectuel, on peut considérer cette annonciation comme la manifestation, comme le manifeste d’un ralliement, d’autant plus significative. M. Viviani a vraiment porté la parole pour le parti intellectuel, s’est vraiment fait le porte-parole du parti intellectuel.

Cela n’a pas suffi, a dit le nouveau ministre, et alors nous nous sommes attachés à une œuvre d’anticléricalisme, nous avons arraché de l’âme du peuple la croyance à une autre vie, à des visions célestes décevantes et irréelles.

« C’est ici, dit à son tour le Matin, que le talent de M. Viviani a trouvé sa preuve, si tant est qu’il eût besoin de preuve. Car pas une protestation ne s’est élevée à droite quand le ministre du travail a dit cette chose formidable, formidable si l’on songe que c’est un ministre qui l’a dite, même après la loi de séparation. »

Je vous crois, ô Matin, que ce fut formidable. Vous avez eu la langue trop longue, vous aussi, comme un ministre du travail, ô courriériste parlementaire, simple journaliste officieux. Oui je vous crois, ô journal et journaliste, que ce fut formidable, même et surtout après la loi de séparation. Car cette annonce fait tout le contraire