Page:Péguy - Les Mystères de Jeanne d’Arc, volume 3.djvu/74

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le mystère

Voilà ce que je demande, ce n'est pourtant pas difficile.

Voilà ce que je ne peux pas obtenir.

Ils veulent toujours faire mon métier, qui est de peser le lendemain.

Ils ne veulent jamais faire le leur, qui est de le subir.

Voilà ce que je ne peux jamais obtenir.

Ils se tourmentent, ils se tendent, ils se travaillent.

Et toi seule ô nuit quelquefois tu l'obtiens.

Qu'ils tombent dans un lit perdus de lassitude.

O nuit sera-t-il dit que tout ce que je pourrai leur offrir et tout ce que je pourrai inventer.

Et que mon Paradis sera cela.

Et que tout ce qu'ils voudront ce sera cela.

Et qu'ils seront si fatigués de la vie, et qu'ils seront si ridés.

Et qu'ils auront été si fripés par une telle existence.

Par la vie de cette terre

Qu'ils ne voudront entendre que cela.

Sera-t-il dit qu'il y aura des fronts si courbés qu'ils ne se relèveront jamais.

Et des reins si rompus qu'ils ne se redresseront jamais.

Et des épaules si voûtées que jamais elles ne se redres- seront.

Et des fronts si ridés que jamais ils ne se dérideront.

Et des yeux si voilés qu'ils ne se dévoileront jamais.

Et des peaux si flétries que jamais elles ne redevien- dront fraîches.

Et des peaux si fanées que jamais elles ne redevien- dront jeunes.

Et des peaux si tannées que jamais elles ne redevien- dront neuves.

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